La femme papillon

La femme papillon vola au dessus de moi. Cela faisait des jours que j'errais dans l'immense forêt amazonienne. J'avais faim, j'avais soif, j'étais épuisé. Elle est arrivée sans bruit, juste un bruissement d'ailes que j'ai pris pour le vent dans les feuilles. Elle vint se poser sur ma tête. Je crus à une feuille qui venait de se poser. D'un mouvement machinal, je secouais ma tête. La femme papillon déploya ses ailes autour de ma tête qui fut prise comme dans un voile diaphane. Emprisonné dans cette douce lumière, une odeur subtile pénétra dans mes narines, plongeant mon esprit dans un état second. Je me mis à avoir des visions où mon corps devenu aussi léger qu' une plume était emporté dans l'azur par un papillon aux ailes multicolores

Était ce vraiment une vision ? Dans la forêt amazonienne, les indiens racontent la légende d'une femme papillon qui vient enlever des hommes qu'on ne retrouve plus jamais. On raconte que la femme papillon les ensorcelle en les caressant de ses ailes pour les recouvrir d'une fine poudre qui les rend amoureux de ses charmes. Heureux sort de ces hommes pris dans le doux piège de la femme papillon.

Il fallait me rendre à l'évidence, cette légende était vraie. Je le compris à mon réveil dans le repaire de la femme papillon. Elle m'y avait déposé délicatement. Et ouvrant les yeux, je crus d'abord vivre un rêve. Je me persuadais que j'allais me réveiller dans la foret, torturé par la faim et la soif. Elle était là devant moi, les ailes déployées au dessus de moi pour me faire de l'ombre. Un soleil de plomb envoyait ses rayons comme autant d'aiguilles brûlantes prêtes à transpercer les malheureux qui passaient par là.

Ses ailes baignées par la lumière du soleil ressemblaient à un vitrail de cathédrale aux couleurs chaudes. Je découvrais sous ses ailes son corps de femme, recouvert d'un fin duvet comme en ont les papillons. Ses yeux étaient les yeux d'une femme qui me regardait avec un mélange d'innocence et de curiosité. Je me sentais attiré par cet être mythique d'une extraordinaire beauté tenant du mélange de l'ange et de la femme.

Rassuré par l'attitude bienveillante de cette femme papillon, tout mon corps se relâcha. Ç'est l'instant qu'elle choisit pour me désaltérer. De sa bouche sortit une trompe qui pénétra dans ma bouche. Mon cœur battait à cent à l'heure. Il en sortit un liquide au goût sucré qui répandit aussitôt dans mes entrailles un bien être qui n'était pas de ce monde. Une bouffée d'amour sortit subitement de moi. Était ce un effet de ce nectar ou la présence de cette femme papillon qui bien que m'ayant enlevé semblait ne me vouloir aucun mal ? La journée tirait à sa fin.  Du haut de cette corniche au dessus du vide, je voyais en dessous de moi la forêt amazonienne et à l'horizon, le soleil éclairant le ciel d'une palette de couleurs rouges orangées. Ce fut ma première nuit avec la femme papillon.

Au fond de la corniche s'ouvrait une grotte recouverte d'un tapis de mousse. De nombreuses questions tournaient encore dans ma tête mais un profond sommeil s'abattit sur moi quand la femme papillon me fit boire avec sa trompe un nectar qui dissipa comme par magie toutes mes inquiétudes. Blotti contre son corps qu'elle avait approché de moi, je m'endormis comme un bébé dans les bras de sa maman.

Les jours qui suivirent furent les plus heureux de ma vie. Cet être semblait tout faire pour me faire oublier ma vie d'avant. Plus les jours passaient, plus semblait s'effacer de ma mémoire ce qui faisait mon ancienne vie. Elle partait de longues heures dans la journée chasser les insectes pour se nourrir mais à son départ comme à son retour, elle me récompensait de son délicieux nectar apaisant tout en m'en rendant dépendant. Je ne vivais plus que pour elle. Plus rien d autre ne m'intéressait qu'elle et aussi loin que je remontais dans ma mémoire il n y avait qu'elle. Elle m avait fait visiter la grotte. Au fond de cette grotte, il y avait un étroit passage qui débouchait soudain sur une vallée à la végétation luxuriante où aucun homme n'avait mis les pieds. Qui pouvait penser que ce pic rocheux cachait l'entrée d'une vallée ressemblant à un écrin de verdure ?

Pendant les absences de ma compagne, car je commençais à la considérer comme ma compagne, je passais des heures à visiter cette vallée et surtout à chercher un passage qui m'aurait permis de m'évader. Le nectar avait effacé en moi tout souvenir de mon passé mais n'avait pas fait disparaître ce goût de la liberté que j'avais toujours eu. Un soir à son retour, la femme papillon me surprit à rechercher un passage pour m'évader de cette vallée. Je ressentis une telle tristesse dans ses yeux que je me promis à moi même de ne plus chercher a m'évader. Je le lui promis le soir et bien qu' elle ne parlait pas, j'eu le sentiment profond qu'elle m'avait compris. Elle me prit contre elle cette nuit là et pour la première fois nos deux corps s'unir.

Le matin à mon réveil, le corps de la femme papillon était toujours lové contre moi tandis que ses ailes m'avaient enveloppé. Un sentiment de plénitude m'avait envahi. Instinctivement, je tournais mon visage vers elle et nous nous unirent encore plus fort dans un long baiser. Dans les semaines qui suivirent un heureux événement arriva.

Une volée de bébé filles papillon emplit la grotte de leur vol joyeux. Quelque part hors du monde, loin des regards curieux, il y a un homme et une femme papillon qui vivent heureux au milieu de jeunes filles papillons qui un jour s'envoleront à leur tour à la recherche de leur prince charmant.  

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