Erreur de programmation

Publié le 14/06/2014 à 21:50 par samson
Erreur de programmation

 

J'entendis un hurlement au fin fond de la forêt. Une brume épaisse recouvrait les arbres.

Visiblement, je n'étais pas revenu au moyen-age comme nous l'avions programmé quand j'étais entré dans la machine à remonter le temps.

Tout m'évoquait l'age préhistorique.

J'avais vu le film Jurassic Park et j'aurais juré être à la même époque. Cela me fit froid dans le dos.

Si mes souvenirs sont bons, il n'y avait pas que des gentils écureuils ou de mignons petits renards dans les forêts à cette époque.

 

Le sol se mit à trembler sous mes pieds. Mes doutes allaient se confirmer. Un 35 tonnes à pattes marchait dans ma direction.

Les hurlements de l'animal emplissaient maintenant l'air. Je cherchais vainement mes boules Quies habituellement dans ma poche. J'avais oublié de les emporter.

 

C'est fou comme on peut s'accrocher à des détails sans importance alors que l'apocalypse approche. C'est le coté pathétique et stupide, il faut bien le dire, de l'être humain, qui pense qu'en se concentrant sur des détails, il échappera au danger qui s'approche de lui, gros comme une maison. Comme dirait un proverbe chinois que je viens d'inventer La fourmi qui se cache derrière sa miette de pain n'échappera pas au pied de l'éléphant qui s'apprête à l'écraser.

 

J'entendis les troncs des arbres se briser comme de vulgaires allumettes au passage de l'animal tandis que je voyais leur cime bouger comme des dents en train de se déchausser dans la bouche d'un vieillard.

 

Et puis je le vis, immense, géant, massif, comme je l'avais vu en 3D au cinéma, un magnifique Tyrannosaure de course. L'ennui, c'est que lui aussi me vit. Le choc de deux cultures si je puis dire, sauf que j'avais oublié d'emmener mon fusil à laser. On était surpris tous les deux de se rencontrer mais moi plus que lui. A ses yeux, je devais ressembler à un lapin préhistorique dont il allait faire son quatre heure, comme moi je fais mon quatre heure en mangeant des tomates cerises.

 

Je hurlais à mon tour : Maman au secours ! C'est bizarre qu'un homme appelle toujours sa maman face à un danger mortel et notamment au moment de sa mort.

Maman était déjà morte quand je suis entré dans la machine à remonter le temps et aujourd'hui dans cette forêt, elle n'est pas encore née, ni moi non plus d'ailleurs.

Visiblement, appeler maman au secours ne me servait à rien. Mon salut ne résidait que dans la rapidité de mes jambes.

 

C'est alors que je vis un plaie béante dans le flanc de l'animal. Si le moment et le lieu s'y étaient prêtés, j'aurais fêté ça au champagne. Il y a des jours où on se réjouit de voir son ennemi affaibli. Celui ci était mortellement blessé. C'est cela qui devait le rendre nerveux. On le serait à moins. J'avais bien dans ma poche un sachet d'aspirine mais je n'étais pas sûr que cela calmerait l'animal.

 

Il avait du se battre pour la conquête d'une femelle, c'est toujours la même histoire chez les mecs depuis la création du monde, et il semblait avoir perdu la bataille. Son désir d'être père ou tout du moins de faire crac-crac n'avait pas du être satisfait. J'étais face à un mâle blessé dans son amour propre, les plus méchants ceux là, mais fort heureusement blessé profondément aussi dans son ventre.

 

Il n'était plus qu'à 100 mètres de moi et je pouvais sentir son haleine : horrible ! On n'avait pas encore inventé le dentifrice Colgate haleine fraîche. Mes jambes ne me servaient plus à rien. Sous l'effet de la peur, elles avaient décidé de se mettre en chômage technique, et j'étais aussi mobile et rapide qu'un Carl Lewis de cire au musée Grévin.

 

J'avais souvent imaginé ma mort mais jamais ce genre de mort. Finir en amuse gueule pour Tyrannosaure ne m'était jamais venu à l'esprit. Comme quoi, on prévoit jamais tout dans la vie.

Mon assurance-décès ne me servirait à rien. Pas de clause dans le contrat prévoyant une mort brutale par rencontre fortuite avec un tyrannosaure et aucune possibilité de faire modifier le contrat en dernière minute.

Non seulement j'allais perdre la vie, mais en plus je toucherais pas le jackpot de l'assurance. Déprimant.

 

Soudain, le monstre vacilla sur ses puissantes pattes. Il sembla hésiter un instant comme une tour de Pise se demandant si elle reste penchée ou si elle tombe sur la foule des touristes japonais et finalement choisit la deuxième option : Le Tyrannosaure tomba lourdement sur le sol dans un vacarme d'enfer, en soulevant un immense nuage de poussière.

 

Sa tête tomba à 50 centimètres de moi ! 50 centimètres entre la vie et la mort, c'est peu, mais ça suffit pour vivre.

Comme dirait l'autre : La providence existe, je l'ai rencontré.

 

J'étais en nage. J'avais transpiré des litres de sueur comme des chutes du Niagara. Tous mes vêtements étaient trempés et pas de vêtements de rechange. Voilà que ma mentalité de petit bourgeois de province me reprenait. C'était bon signe. C'était la preuve que tout danger était écarté et que mes seuls sujets de contrariété redevenaient mes chaussures trop vite usées, ma chemise mal repassée ou mon ordinateur trop lent.

 

Pendant ce temps, Albert, qui était dans notre laboratoire au 23ème siècle, s'était aperçu de sa méprise dès mon départ dans le temps et il s'était acharné à réparer son erreur pendant que je faisais un petit coucou à un tyrannosaure. Il avait entièrement reprogrammé la machine pour me ramener à la maison au 23ème siècle. Cela fonctionna puisque deux minutes après le décès tragique de mon ami le Tyrannosaure, je disparus de la scène préhistorique pour arriver...le 14 juin 2014 en France.

 

Albert a encore tout faux dans ses calculs mais au moins je ne risque plus de rencontrer un Tyrannosaure. A l'endroit où était tombé l'animal se trouve maintenant la Tour Eiffel. Passé le moment de surprise, je vais dans le premier kiosque à journaux sur les Champs Elysés m'informer des dernières nouvelles dans le monde. Elles sont terribles. Ce ne sont que meurtres, kidnappings, coups d'états, trafics de drogues, esclavages humains, défis à la cons sur facebook...On se croierait à la préhistoire mais en pire. Ce n'est pas un Tyrannosaure qu'il faut craindre dans ce monde mais des milliers de Tyrannosaures sillonnant la surface de la terre, plus cruels et dénués de sentiments que mon Tyrannosaure,

 

Voyant ma chemise pleine de boue, un policier me demande mes papiers. Je n'en ai pas. Il parle de me renvoyer dans mon pays. Je ne demande pas mieux mais y a un problème de taille. En 2350, la race humaine n'habite plus la terre qu'elle a subitement quitté après l'apocalypse nucléaire du 22ème siècle et je sais pas si Monsieur l'agent va pouvoir me renvoyer en 2350 sur l'exoplanète Kepler 186f à 492 années lumières de la terre.

 

C'est pourquoi je pourris dans ce centre de rétention depuis 3 mois en attendant d'être identifié.

Albert ! Dépêche toi !

 

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