Lueur d'espoir au Japon

Je me sentais trop seul à Tokyo. Rentrer tous les soirs dans mon appartement ultra-moderne insonorisé au 20 ème étage de cette immeuble au cœur de Tokyo me déprimait.

Quand je l'ai acheté sur plan, le promoteur a dit que j'y serais aussi tranquille que dans ma tombe : il avait raison !

Il a rajouté qu'au 20ème étage, j'aurais une très belle vue sur le nuage de pollution qui recouvre la ville et que le soir, avec les phares des voitures, cela ressemblerait à une aurore boréale. C'est vrai que c'est beau mais je tousse beaucoup quand je vais admirer le spectacle la nuit sur mon balcon. J'ai donc décidé de condamner mes fenêtres.

N'en pouvant plus de cette solitude dorée, j'ai décidé de prendre le problème par les cornes. Non pas en m'achetant une poupée gonflable plus vrai que nature, comme tous mes collègues de travail, ni en installant une femme virtuelle dans mon ordinateur avec qui discuter sur tous les sujets jusqu'à une heure tardive de la nuit, mais justement en achetant un animal à corne.

Lors de mon dernier voyage à Paris, j'ai mangé dans un restaurant gastronomique des escargots de Bourgogne et le patron du restaurant avait tenu à nous monter des escargots de Bourgogne vivants. J'ai trouvé ces animaux très reposant à regarder. Je m'y suis attaché. Je lui en ai donc acheté un couple que j'ai ramené au Japon en les cachant soigneusement au milieu de mes bagages, dans une boite tapissée de feuilles de salades.

A mon retour, je les ai installé chez moi dans un grand aquarium, pour qu'ils aient de l'espace, que j'ai mis à la place de ma télévision haute définition.

Ces animaux ont transformé ma vie. Jugez en par vous-même. J'ai cessé de me rendre tous les soirs après mon travail aux Neko Cafés, ces bars à chats, où je passais de longues heures à caresser les animaux pour évacuer le stress de la journée. Dorénavant, je rentre directement tous les soirs à mon appartement où j'ai hâte de retrouver mes escargots.

Toutes les fins de journée en arrivant chez moi, c'est le même rituel, car nous japonais nous adorons les rituels. Je les salue d'abord en m'inclinant devant eux avec déférence puis je nettoie l'aquarium de toutes les crottes qu'ils ont fait en mon absence. Ils viennent me chatouiller les doigts de leurs cornes.

Je leur prépare ensuite deux feuilles de salades sur lesquelles j'ai brumisé une bombe minérale. Ils adorent ça. Ils me le montrent en bavant abondamment pendant leur repas.

Pendant que je mange de mon coté mon repas lyophilisé réchauffé au micro onde tout en les observant, je leur parle de ma journée. Ils me regardent affectueusement avec leurs deux cornes dirigées dans ma direction. Il ne leur manque que la parole. J'y ai remédié en achetant un best-seller japonais traduit du français qui s'intitule : Comment communiquer avec son escargot.

Le langage escargot est plus dur à apprendre que le français mais si l'on persévère, on en est largement récompensé. Cela permet des échanges avec son escargot pendant des heures.

Depuis que nous vivons ainsi à trois dans notre appartement, j'ai repris goût à la vie et retrouvé le sommeil. Comme je reste un japonais, le pays de l'informatique, j'ai créé sur internet un site sur l'escargot où l'on peut signer une pétition pour que l'escargot de Bourgogne ne soit plus mangé par l'homme.

Nous sommes plusieurs à militer pour la libre circulation des escargots au Japon. En temps que président de mon association, j'ai le projet d'aller dans toutes écoles primaires du Japon pour apprendre aux enfants à communiquer avec ces animaux de compagnie.

Je viens d'apprendre un heureux événement. Mes escargots se sont si bien adaptés à leur nouvel environnement qu'ils viennent de me donner 12 jolis petits escargots. Je suis devenu un père de famille nombreuse comblé. Bientôt l'adage Heureux comme un escargot au Japon sera connu de tous les japonais.

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