Joseph le zèbre

Joseph le zèbre avait toujours été bizarre. Ses parents vous le diront. Tout petit déjà il rêvait de ne plus porter de zébrures. Avouez que pour un zèbre c'est le comble ! Cela avait commencé le jour où il avait rencontré un cheval. Il avait cru voir un zèbre marron et il l'avait trouvé très beau. Il voulu donc être un zèbre marron. Quelques années plus tard il était tombé nez à nez (ou plutôt museau à museau) avec un guépard. Passé la première frayeur devant l'étrange animal ce fut le flash de sa vie. Tous ces poils avec ces taches noires sur fond blanc ca faisait très branché.

Finalement il opta pour le rose après avoir vu le dessin animé "la panthère rose".

Ses parents étaient plutôt du genre conservateur, si vous voyez ce que je veux dire, du genre "de père en fils on a toujours été comme çà et c'est pas toi qui va foutre la zizanie dans la famille".

Cela fait des générations que les zèbres ont des rayures noir et blanc lui avaient ils dit. Tu veux donc devenir la honte de la famille? Tu feras ce que tu veux à ta majorité mais en attendant tu vas me faire le plaisir d'aller chez le coiffeur de zèbre te faire aligner tes rayures de zèbres.

Le débat était clos.

Le jour J de la majorité arriva. Notre zèbre courut à la droguerie voisine acheter un pot de 50 litres de peinture rose dont il se recouvrit soigneusement le corps. Passant prés d'une mare il se contempla dans son nouveau look.

Ouaaah s'exclama t il ca en jette ! un zèbre rose, de mémoire de zèbre ca ne s'est jamais vu.

Il devint la risée des uns et la coqueluche des autres. D'autres zèbres voulurent l'imiter. Certains se teignirent en bleu, d'autres en jaune, d'autres en vert. A la fin il y en avait de toutes les couleurs.

Bref, c'était le bordel chez les zèbres, d'où l'expression très connue et préférée de ma grand mère : arrête de faire le zèbre.

Même les lions qui avaient l'habitude de les chasser y perdaient leur latin. Avant cette révolution ils reconnaissaient facilement un zèbre à ses rayures noirs et blancs et maintenant ils ne savaient plus à quel animal ils avaient à faire. Certains lions en devinrent neurasthéniques et d'autre se suicidèrent d'avoir perdu leurs repères car les lions comme les hommes sont des créatures très casanières.

Les zèbres firent des émules. Les jeunes éléphants voulurent en faire de même et tannèrent leurs parents pour se transformer en éléphants roses, les mêmes que j'avais vu au plafond de ma chambre quand à l'age de 5 ans j'avais fais 42° de fièvre.

Y en a même qui par mimétisme voulurent porter des rayures de zèbres, ce qui aggrava le malaise des lions qui attaquaient les éléphants en les prenant pour des zèbres. Le monde de la jungle était en émoi.

Ce fut une véritable épidémie.

La jungle devint un concours de couleurs, toutes plus éclatantes les unes que les autres, et la situation en arriva à une telle extrémité que plus personne ne reconnaissait personne.

Les animaux firent venir alors un sage qui les réunit sous le baobab. Ils lui décrirent leur horrible condition. Les lions cachectiques et déprimés lui expliquèrent leur drame. Ils ne pouvaient plus aller se nourrir dans le garde manger des zèbres et de plus se prenaient des raclées par les éléphants qu'ils avaient confondus avec un zèbre.

Les éléphants se plaignirent à leur tour. Ils en avaient marre d'être attaqués par des lions qui les prenaient pour des zèbres et de ne plus pouvoir boire en paix à la rivière.

Les zèbres eux mêmes se plaignirent de n'être plus reconnus comme des zèbres à part entière et s'estimèrent atteint dans leur propre identité. Bref il y avait comme un trouble identitaire qui planait sur la jungle.

Le sage les écouta tous attentivement puis prit la parole.

Il dit aux zèbres :

croyez vous que ce sont vos zébrures qui font de vous des zèbres ? Vous êtes zèbres non à cause de votre zébrures mais à cause de ce que vous êtes profondément. Vous êtes un animal timide avec un caractère très doux. On vous apprivoise facilement mais vous ne supportez pas la domestication. La faiblesse de votre dos ne vous permet pas d'ailleurs d'être utilisé comme animaux de trait ou de selle. Quand à votre peau elle a été justement très recherchée à cause de ses rayures et a failli entrainer l'extinction de votre race. Vous devriez donc vous réjouir de pouvoir changer de couleur.

A l'écoute de ces paroles les zèbres comprirent qu'ils étaient plus que leurs rayures et ils partirent dans la savane fier de ce qu'ils étaient.

Le sage se tourna alors vers les lions. Il les reprit vertement :

Manquez vous donc d'imagination pour ne compter que sur les zèbres pour satisfaire votre solide appétit. En réalité vous n'êtes que des fainéants, partisan du moindre effort et qui manquaient totalement d'imagination. Ne pouvant plus attraper de zèbre n'auriez vous pas du, au lieu de vous plaindre amèrement, partir à la recherche d'une autre source de nourriture. Au lieu de cela vous êtes resté à crever de faim dans la jungle en rêvant à un monde qui ne reviendra jamais. Si tel est votre comportement la nature aura raison de vous éliminer de la surface de la terre car vous n'êtes que des créatures stupides et sans imagination.

A ces paroles les lions convaincus de ne pas avoir un caractère de lion partir tout honteux la queue entre les jambes.

Vint le tour des éléphants qui ayant assisté à ces entretiens se sentaient moins sûrs de leur bon droit. Le sage leur dit :

Continuerez vous longtemps à vous plaindre d'être incommodés par la myopie des lions alors que vous demeurez les plus forts de la jungle. Les zèbres ont perdus leur identité, les lions ont perdu leur viande préférée et leur santé, mais vous qu'avez vous perdu ? Votre tranquillité ? Pensez vous que la nature ne vous a fait roi de la jungle que pour rester tranquille au bord de la rivière ? A quoi et à qui servez vous dans cette jungle ? Répondez à cette question et vous cesserez de vous plaindre de vos petites contrariés.

Les éléphants partir blessés dans leur orgueil mais secrètement convaincus de la justesse des paroles du sage. On raconte que depuis cet entretien ils cherchent à mettre leur force au service des animaux de la jungle.

C'est ainsi qu'à partir d'un zèbre rebelle à ses pères la jungle devint un endroit plus vrai, "humain" et solidaire.

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